Quand le Hip-Hop bouleverse les Etats-Unis
La nuit du 12 au 13 septembre 1996 fut marquée par le décès d’une des icônes les plus emblématiques du Hip Hop West Coast : Tupac Shakur. Assassiné par balle à Las Vegas sur le siège passager, d’une voiture conduite par son producteur Suge Knight, il ne survivra pas à cette nouvelle tentative de meurtre. Voilà un événement qui défraya la chronique.
Suge Knight (gauche), Snoop Dogg (centre), 2Pac (droite)
Six mois plus tard, le 9 mars 1997, Biggie Smalls aka The Notorious B.I.G aka The King of New York, décède à son tour, de la même manière que Tupac. Les deux meurtres sont alors immédiatement classés comme un règlement de compte East-Coast / West-Coast. Mais cette affaire est bien plus complexe, mêlant label, corruption, et préméditation. L’agent de police Russel Poole était l’homme chargé de l’enquête, il fut démis de ses fonctions lorsqu’il s’est rendu compte que la police était impliquée.
Cette affaire a donnée lieu à un documentaire réalisé en 2002 par Nick Broomfield : Biggie and Tupac, relatant absolument tous les faits.
Donc qu’en est-il ?
Puff Dady et Biggie
Deux assassinats, une seule tête pensante
Les années 90 sont marquées par une sévère rivalité East-Coast / West-Coast très envenimée par les deux labels emblématiques de l’époque : Death Row Records (Suge Knight et 2Pac) et Bad Boy Records (Puff Dady et Biggie), s’insultant violemment par musique interposée. C’est le 3 août 1995, lors de la Source Awards, que Suge Knight insulte Puff Dady en direct, mettant le feu aux poudres d’une guerre qui ensevelira deux artistes talentueux.
Toutefois, c’est le scénario qu’une personne voulait nous faire croire. Pac était la poule aux oeufs d’or de Death Row, il cartonnait aux charts et écrivait énormément. Il avait réalisé deux albums en échange d’une caution que Suge Knight lui a payé. Ce qui ne l’empêcha pas par la suite de toucher les millions. Et en définitive, Suge lui devait plus de 10 Millions de royalties. C’était une dette énorme. Pac menaçait de quitter le label et de monter le siens. Aussi bête que cela puisse paraître, c’est ce qui causa sa mort. Peu de temps après, il est assassiné à Las Vegas.
Très vite, Russel Poole, agent chargé de l’enquête de 2Pac et Biggie, accuse Suge Knight, considérant cette histoire de royalties comme un mobile non négligeable. En effet, pour Suge il était plus intéressant que Pac disparaisse, puisqu’il aurait certainement monter un label beaucoup plus influent que Death Row et exiger ses 10M de dollars. Par la suite, de nombreux témoignages font écho à cette version des faits, notamment ceux des gardes du corps des deux stars.
Même si Suge à orchestré l’assassinat de 2Pac, la question reste à savoir avec l’aide de qui, et surtout comment tout a pu si bien se dérouler, et là est tout le tumulte de l’histoire.
Suge Knight, Parrain du rap game
Photos d’Harry Billups
Le rap est une musique qui s’est rapidement produit de manière indépendante. Le premier label rap date de 1979 : Sugar Hill Records. De là sont nés de nombreux labels dont les labels Ruthless Records (NWA) et Death Row. Tous deux ont la particularité d’être nés de l’argent de trafic de drogues. Eazy-E et Suge Knight ont créé leurs labels sur l’illégalité. Des fondations somme toutes fragiles, et pas sans faille. De ce fait, Suge, autour de Death Row, a bâti une réelle mafia, dont 2Pac à contribué fortement par son énorme succès financier.
Ainsi, il est inévitable de faire appelle à la police afin de maintenir un tel réseau. Suge à donc graissé la patte d’une trentaine de policiers à L.A. De cette manière il a notamment pu organiser l’assassinat de 2Pac, tout en protégeant ses arrières juridiquement parlant. Mais le scénario n’est pas encore parfait, pour cela il devrai aller encore plus loin, et faire assassiner Biggie Smalls, afin de se camoufler sous la rivalité East/West.
Interview de l’agent Russel Poole, chargé de l’enquête, issue du documentaire Biggie and Tupac
Cette fois-ci l’assassinat du King Of New York est l’oeuvre de trois policiers corrompus par Suge Knight. L’implication de certains membres de la police ne fait aucun doute car le soir de son assassinat, étrangement, les policiers qui le filaient depuis des mois n’étaient pas présents le soir du crime. Aucun des ces policiers n’a été interrogé lors de l’enquête, l’un deux était le propriétaire de la Chevrolet Impala noire utilisée lors du meurtre. Le policier Harry Billups, qui s’est avéré être le tireur, avait posé des congés sur la période de l’assassinat… Voilà déjà quelques éléments qui sont beaucoup plus que des coïncidences.
Extrait d’Interview de l’ex agent de police Hawkie qui travaillait pour Death Row
Suge a réussi à faire passer l’assassinat de 2Pac et Biggie pour des dommages collatéraux d’une guerre de gang. La rivalité East/West a fait d’eux des martyrs de cette guerre sans chercher le réel scénario. Le recul temporel permet de traiter le sujet avec beaucoup plus de ressources, mais en 1997 la réponse était évidente, la guerre des gangs était telle, la logique l’emporta sur la vérité.
Ceci n’est qu’un bref résumé de cette histoire à la fois tragique et sordide, le documentaire de Nick Brommfield apporte de multiples témoignages et éléments d’enquêtes. Il est à voir absolument.
